"Cassos" l’amertume des marchandises

Fabienne Brutus, à l'occasion de la sortie de son livre "Cassos" | Rencontre au fil de l'Aude | RCF

Voici quinze ans, Fabienne Brutus, employée à l’ANPE de Limoux (Aude) avait publié un livre assez fracassant sur les gabegies de l’ANPE. Elle avait eu droit à une critique dans Le Monde, titrée "la pasionaria de l’ANPE", et commençant par "le vrai nom de Fabienne Brutus est Fabienne Brutus" tant il semblait incroyable qu’une employée balance ainsi à visage découvert sur son institution. L’article évoquait "son minois malicieux" et "sa frimousse victorieuse".
Reconvertie dans la formation pour adultes, elle récidive aujourd’hui sur les naufragés de la formation, avec un livre qu’elle-même a titré "Cassos" (abréviation péjoratisante de "cas sociaux"). De ce titre, elle s’explique dans le livre, en racontant que les cassos s’appellent eux-mêmes cassos.

Tout est sur ce ton, burlesque et tragique, qui appelle un chat un chat. Fabienne Brutus prend les cassos là où la société et les médias les lâchent, dans cette jungle des formations privées où d’autres précaires les gavent de connaissances inutiles, mais qui miraculeusement leur seront peut-être utiles, allez savoir.

J’ai ouvert le livre en trainant les pieds. Personne n’a envie de passer ses vacances avec les cassos. Et puis, le regard se pose sur l’un, sur l’autre, sur la troisième. Il est attentif, tendre par défaut, toujours intrépide, cruel quand il faut, par exemple pour les Français, si démotivés par rapport aux migrants surmotivés. Elle ne leur passe rien, et aux marchands de formation non plus. Tout le monde y passe, cadres et cadresses arrivistes, tziganes machos, flemmards grugeurs, bobos en apesanteur, homophobes (nombreux), racistes qui ont leur bon étranger, tatouées (parfois avec faute d’orthographe). Et moments de grâce, évidemment, qui justifient de se lever le matin. C’est dissonant, mais ça sonne plus juste que tous les reportages. Et à la fin, évidemment, c’est trop court, on repartirait bien pour quelques séances de découragement et de franche rigolade.

Daniel Schneidermann